Stephane Bellocine

Blog d'écrivain

La Tempête…Shakespearienne et entière comme l’Art Total de Simon-Pierre Bestion de Camboulas


Né en 1988, Simon-Pierre Bestion se forme au Conservatoire Régional de Nantes où il obtient un prix d’orgue dans la classe de Michel Bourcier, ainsi qu’un prix de formation musicale. Il travaille parallèlement le clavecin avec Laure Morabito et Frédéric Michel, et enrichit sa formation de claviériste de master-classes avec Jan-Willem Jansen, Francis Jacob, Benjamin Alard, Martin Gester et Aline Zylberach. Il est finaliste en 2006 du concours international d’orgue de Béthune. Il se produit régulièrement en tant que continuiste au sein des ensembles Les Cris de Paris (Geoffroy Jourdain) et Insula Orchestra (Laurence Equilbey).

Son goût pour la composition et la musique contemporaine l’amène à découvrir la polyphonie vocale et la richesse du travail choral. Il se forme alors à la direction de chœur auprès de Valérie Fayet au Conservatoire de Nantes et chante sous sa direction dans le chœur de l’Orchestre National des Pays de la Loire. Il intègre ensuite le Conservatoire National Supérieur de Musique de Lyon dans la classe de Nicole Corti, et reçoit les conseils précieux de chefs tels que Régine Théodoresco, Roland Hayrabédian, Geoffroy Jourdain, Joël Suhubiette, Dieter Kurz, Timo Nuoranne…

Au cours de sa formation il est aussi fortement nourri par ses rencontres avec Bruno Messina (ethnomusicologie et culture musicale), Claire Levacher (direction d’orchestre), Dominique Moaty (chant) et Thomas Lacôte (harmonie et écriture).

Sa passion pour la musique ancienne et la direction l’amène à fonder en 2007, avec la gambiste Julie Dessaint, l’ensemble de musique de chambre Europa Barocca. Il complète cette phalange instrumentale par la création du chœur Luce del Canto, ensemble vocal composé de jeunes chanteurs semi-professionnels. Fortes de leur évolution professionnelle, ces deux formations se réunissent en 2015 pour devenir la compagnie La Tempête.

<Stephane Bellocine> : Simon-Pierre, tu es le fondateur de la Compagnie La Tempête qui se distingue dans le paysage de la musique classique et surtout sacrée. Outre le talent des chanteurs de la Compagnie, et le tien en tant que chef de chœur, chef d’orchestre et chorégraphe, qu’est-ce qui distingue La Tempête des autres compagnies ? Ce que j’ai constaté, qui me semble remarquable, c’est ta capacité exceptionnelle à mélanger les genres. Le chant, la danse et la musique bien sûr mais aussi les genres musicaux entre eux.

<Simon-Pierre> Je choisis les personnes pour leurs qualités artistiques certes, mais aussi pour leur caractère. Beaucoup de caractères forts ! Pas en ego attention, mais des artistes qui ont un avis prononcé sur la matière artistique, sur ce qu’ils font. C’est très bénéfique à mon travail

<SB> : Des caractères forts, oui ! C’est vrai que cela s’entend dans les voix, elles sont posées avec assurance. Est-ce que tous ces caractères forts ne créent pas au final plus facilement des conflits ?

<SP> Il n’y a aucun projet sans tempête…je leur laisse la parole. Le chœur de La Tempête a une homogénéité mais on peut entendre néanmoins chaque personne indépendamment. Il y a une polyphonie de timbres. Nous ne sommes pas un chœur conventionnel où les voix s’additionnent pour faire un ciment parfait Ici ce sont des plaques tectoniques qui se heurtent mais qui vivent ensemble et créent une harmonie.

<SB> : C’est très rare oui. Tu es un artiste qui a quelque chose à dire et tu veux des chanteurs qui ont aussi quelque chose à dire

<SP> Oui. Lors de l’audition, ils choisissent aussi le répertoire qu’ils veulent et c’est souvent ceux qui débordent d’un cadre classique qui me plaisent. Comme en plaçant une couleur particulière sur un passage. Ca s’entend. Ce sont des gens surinvestis.

<SB> Pourquoi un chœur de jeunes ?

<SP> Oh ce n’est pas un critère déterminant. Mais l’important  aussi c’est une gueule. Cela ne veut pas dire quelqu’un de beau ou de belle au sens plastique mais plutôt qui exprime quelque chose au travers du physique aussi.

<SB>  Comment travailles-tu pour préparer un spectacle vivant ? Qu’est ce qui t’inspire dans le choix des œuvres ? Quelle est la première ambition d’un chef de compagnie comme toi ? Est-ce servir un compositeur comme le ferait un chef d’orchestre ? Un metteur en scène ? Ou plutôt l’utiliser pour construire un univers ? Ton univers.

<SP> Plutôt construire mon univers. Je me sers des compositeurs, mais surtout de leurs compositions comme je le ferais avec de la matière vivante.

<SB> : Jusqu’à changer la matière d’origine ?

<SP> Oui je le fais…. Dans la messe de Stravinsky par exemple, je travaille sur des instruments qu’il n’a pas préconisés…Je prends un risque. C’est ma manière de travailler. J’essaie toujours d’avoir une histoire avec des évènements et je pioche les musiques en fonction. Cela exige une maturation très longue. C’est une approche cinématographique. Dans la musique sacrée, je suis très sensible à la présence du théâtre. Le sacré c’est tout ce qui touche à la spiritualité de l’homme, pas uniquement le religieux, et cela se dit par la musique comme par le visuel. Par exemple, un oratorio peut parfaitement se mettre en scène. Une St-Jean de Bach aussi, c’est une musique tellement parlante, on privilégie trop l’intellect de nos jours au détriment du corps.

<SB> Tu penses que le corps fait plus facilement passer l’émotion ? Est-ce que tu choisis les œuvres en rapport avec cet objectif, à la fois de théâtre et d’émotion véhiculée par le corps, y compris en mettant les œuvres choisies en correspondance avec d’autres?

<SP> Oui c’est pourquoi j’utilise tout l’espace dont je dispose en mettant au point mes « mises en espace », « mises en scènes » ou « chorégraphies », je ne sais pas trop comment appeler ça, le mouvement est important pour porter la voix, construire la scène et laisser transparaître l’émotion.

<SB> Comment as-tu été nourri par la musique dans ton enfance ?

<SP> Beaucoup par Bach, et aussi par le théâtre justement. Mes parents étaient marionnettistes et comédiens avec une troupe de théâtre, et ils utilisaient énormément la musique. Tous leurs spectacles étaient des créations avec les musiques de Ravel, Debussy, Bach et plein d’autres styles différents.

<SB> : Qu’est ce que le temps t’apporte dans ton travail ? Dans l’étude ? Etudier une œuvre à la lumière des disciples successifs d’un compositeur plutôt qu’à travers l’auteur seul, ce n’est pas la même chose non ?

<SP> L’érosion du temps, c’est intéressant oui. Je travaille plus sur un univers à un moment précis donc le temps va me nourrir. La maturation par le travail dont je parlais, c’est du temps. L’instant aussi peut être une inspiration brutale et prodigieuse. Je rapproche des musiques écrites à des époques différentes, séparées de plusieurs siècles mais rapprochées par une esthétique commune que j’essaie de révéler un maximum. Je m’inscris dans un temps infini, au contraire d’autres qui ont pu dire « voici mon style, il est nouveau » ! Par exemple, la messe de Machaut écrite au XIVe siècle ; il n’y avait ni enregistrement ni textes complets de l’œuvre. Pour bien la comprendre, il faut lire la partition en tentant de retrouver les réflexes traditionnels de l’époque, quant aux ornements et autres détails qui ne sont pas forcément et systématiquement écrits simplement parce que le compositeur avait coutume de laisser une part à l’improvisation, selon les traditions de l’époque justement. Dans les musiques non occidentales, la transmission est souvent orale et donc il y a une lente déformation en fonction de l’appropriation des œuvres par les générations successives. C’est intéressant d’y voir ce qui appartient à notre époque sans avoir été conçu à notre époque. C’est comme une mémoire éternelle, c’est ce que je recherche dans une œuvre. Autre exemple avec les Vêpres de Monteverdi dans lesquels on trouve des ornements vocaux absolument uniques. On a l’impression d’entendre un muezzin. Il serait intéressant de les faire reproduire par un chanteur de cette tradition vocale et culturelle .

<SB> qui admires tu parmi les créateurs et artistes musicaux d’hier et d’aujourd’hui ?

<SP> Je pense d’abord à Pina Bausch et à son Sacre du Printemps, à Peter Brook et son théâtre nu si évocateur, si juste et dont j’apprends beaucoup à travers ses écrits. A Bernstein comme chef d’orchestre ….il donnait sans compter et avait un rapport charnel avec la musique, et pas seulement intellectuel. Je pense aussi aux interprétations de Bach par Philippe Herreweghe, toujours sobres et émouvantes. Du côté des compositeurs, j’admire particulièrement Maurice Ohana et Jean-Louis Florentz. Ils sont peu connus mais ils représentent, dans une période particulière de la création musicale française contemporaine dominée par l’Ecole de Boulez, deux personnalités qui ont su conserver leur propre vérité en restant ouvert sur des influences diverses, notamment ethniques.

<SB> Merci Simon-Pierre. Le slecteurs auront la possibilité d’écouter et de voir un exemple de ton travail sur le lien que voici

https://www.youtube.com/watch?v=r21y4hH9NDI

Le Témoin du Temps vous interroge….

  1. Dans votre relation à autrui, vous êtes plutôt du genre :
    1. méfiant, avec des barrières que vous placez d’emblée pour servir de frontières
    2. ouvert, vous livrant facilement

Plutôt ouvert

  1. Qu’est-ce qui vous révolte ?

La mauvaise distribution des richesses, le manque d’integrité et de profondeur. Le manque d’entraide, de générosité dans la société

  1. Comment caractériseriez-vous notre société postmoderne en un seul mot ?

Matérialiste

  1. Quand avez-vous pleuré pour la dernière fois ?

Avant-hier devant des photos du Sahara

  1. Enfant, qu’est-ce qui vous faisait rêver ?

Devenir chef cuisinier du George V. Gagner le Tour de France ou Roland-Garros aussi

  1. Quel genre d’internaute êtes-vous ?
    1. plutôt frénétique voire drogué
    2. occasionnel et critique
    3. carrément méfiant

Occasionnel et critique

  1. Qu’est-ce qui vous ferait le plus de peine ?
    1. la séparation d’avec votre partenaire de vie
    2. la trahison d’un véritable ami
    3. le déclassement social

La trahison d’un véritable ami

  1. Qu’est-ce qui vous fait peur ?

Ne pas arriver à faire tout ce que je veux dans ma vie

  1. Si vous pouviez remonter le Temps, où vous arrêteriez-vous ?

A l’ère jurassique 

  1. Si j’avais le pouvoir de distendre le Temps, afin de vous faire vivre éternellement un moment de bonheur, que me demanderiez-vous ?

Me laisser revivre une première rencontre amoureuse

Stéphane Bellocine

Stéphane Bellocine

Ecrivain, philosophe, ingénieur, amoureux des Arts. Innovation & Entreprenariat. #letémoindutemps

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